Luang Namtha est une petite ville sans réel intérêt, point de départ de nombreux treks dans le parc national environnant. Une fois de plus nous faisons l’impasse sur les excursions proposées car trop chères et annoncées difficiles : des marches de 5 à 6 heures dans la jungle dense que le guide taille parfois à coups de coupe-coupe, et de plus c’est la période des sangsues, qui peuvent se faufiler ni vues ni connues dans les chaussettes jusqu’au gros orteil lorsque l’on traverse les cours d’eau ; flippant. Certes, les treks de 2 jours qui propose de passer une nuit parmi une ethnie minoritaire vivant dans les montagnes sont attrayants car l’expérience semble marquante et très enrichissante. Mais le Laos est un pays très pauvre et nul besoin d’aller bien loin pour constater, avec beaucoup d’émotion, que les conditions de vie pour nombres d’habitants sont très difficiles. Une ballade à moto suffira pour nous immerger dans le charme de la campagne alentour. Nous y resterons deux nuits. D’ici, la plupart des voyageurs se dirigent vers le sud en direction de Luang Prabang, Nous partirons vers le nord-est à Nong khiaw.

Le lendemain, 6 heures de bus local chargé à bloc et une heure de took-took nous permettent de rejoindre le lieu. Le trajet en took-took est fascinant et annonce déjà la couleur. La route chaotique qui relie Pakmong à Nong khiaw, longe la rivière Nam Ou, un affluent du Mékong, en s’enfonçant au milieu de falaises calcaires verdoyantes dont on a du mal à percevoir les sommets depuis le véhicule. Elle traverse également des petits villages dont l’atmosphère est en parfaite harmonie avec le décor. En arrivant nous sommes accostés d’emblée par Mr Mang, le propriétaire d’une guesthouse située tout près de l’arrêt de bus. Il nous tend direct sa carte professionnelle en nous proposant de venir voir ses chambres au calme avec vue sur la rivière. Comme nous n’aimons pas vraiment ce genre d’approche, nous sommes un peu rétissants mais le couple fort sympathique avec qui nous avons fait le trajet, décide de le suivre histoire de jeter un œil … nous faisons finalement de même. Après tout nous avons le temps et cela ne coûte rien. Notre rétissance est vite dissipée une fois sur place car nous sommes littéralement happés par le cadre qu’offre la terrasse de la chambre. Mister Mang ne s’est pas moqué de nous et l’envie de poser les bagages pour plusieurs jours est immédiate. Son établissement étant en retrait de la route et plutôt mal indiquée, nous comprenons mieux pourquoi il s’est jeté sur nous tel un requin affamé.

La bourgade de Nong khiaw est établie en deux parties de part et d’autre de la rivière Nam Ou. Une partie occupée par la grande majorité des hébergements et restaurants qui sont proposés au touristes, et une autre plus locale où sont situés les commerces, l’école et le petit embarcadère de fortune qui permet de rejoindre les villages en amont de la rivière, accessibles uniquement par bateau. Les deux parties sont reliées par un pont en béton construit en 1973. C’est dans cette partie du village que nous avons eu la chance d’atterrir car Nong Khiaw est un de ces lieux uniques où l’on perd facilement la notion du temps. Dans le passé, les fumeurs d’opium venaient se perdre ici dans des hôtels bon marché à 1 euro la nuit. Le gouvernement ayant fait table rase de ces établissements, le village s’est développé depuis au dépend de Muang Ngoi, ancienne capitale de la province située à 1h30 de bateau et qui fût rasée par les bombardements américains pendant la guerre du Vietnam.

Lorsque nous écrivons cet article nous sommes lundi matin et voilà 2 jours que nous sommes arrivés. A l’aube, le village s’est réveillé dans la brume et à notre retour du petit-déjeuner nous avons essuyé une courte averse qui a à peine rafraichi l’atmosphère déjà bien chaude et humide. Une légère brise parcoure la terrasse de la chambre et nous permet de supporter la chaleur écrasante. Le soleil monte et le ciel se dégage, quelques nuages s’accrochent désespérément aux sommets des montagnes. Il règne ici une paisibilité rurale, nous sommes bercés par les chansons laotiennes qu’écoute le père du propriétaire, allongé par terre dans le hall de la réception, une jambe posée sur la rambarde en bois du comptoir. On peut entendre un peu plus loin les écoliers réciter en cœur leur leçon telle une douce mélodie, entrecoupée par le chant des coqs avoisinants. Parfois, des coups de feux éclatent et l’écho de leur son ricoche sur les falaises abruptes qui nous entourent, comme pour nous sortir de notre coma et nous rappeler la majesté du lieu.