Toutes les bonnes choses ont une fin. Nous parvenons, non sans efforts, à sortir de cette faille temporelle qu’est Nong Khiaw. Le départ s’annonçait chargé en émotion. Déjà perceptible la veille, nous la sentons nous envahir au fur et à mesure que le mini-van, faisant route vers Luang Prabang, s’éloigne du village. Difficile de ne pas songer alors à cette dernière soirée en compagnie de Jok et Sebastian sans avoir les larmes aux yeux. Des larmes de tristesse, mais aussi de bonheur car nous avons véritablement vécus auprès d’eux le genre d’expérience que nous recherchons par-dessus tout. Dans nos têtes résonnent encore les champs Laotiens que nous avons entendus lors de cet ultime moment de convivialité. Installés sur la terrasse du restaurant pour trinquer aux aurevoirs, une fête religieuse qui avait débuté en milieu d’après midi finissait de battre son plein sur l’autre rive de Nam Ou. C’est vers une heure du matin, alors que la bourgade s’était éteinte progressivement, et qu’une épaisse brume glissait sur la surface de la rivière, que des grands-mères commencèrent leurs louanges aux esprits défunts. Ces champs ancestraux étaient accompagnés d’une musique traditionnelle qui tournait en boucle, le tout amplifié par des micros et l’écho des montagnes environnantes. A cet instant nous nous sentîmes privilégiés car ce que nous entendions était assez rare d’après Sebastian, et qu’importe le couvre feu officiel de minuit, nous avions l’impression que les habitants les plus vénérés du village nous adressaient eux aussi, à travers la brume, un aurevoir. Car c’est sûr nous retournerons un jour à Nong Khiaw ! Soit pour nous y perdre à nouveau, soit pour y passer et finir ensuite notre exploration du nord Laotien, en remontant la Nam Ou via Muang Ngoi, cette autre faille temporelle. Notre bilan excursion dans la région en 3 semaines est très faible : un trek d’une journée, une petite randonnée pour atteindre un point de vue, et une escapade à moto écourtée par une crevaison irréparable au bout de 15 km, nous obligeant à rebrousser chemin et marcher pendant 2 bonnes heures en poussant l’engin. Marie utilisa une feuille de bananier pour se protéger des rayons de soleil brulants à cette heure où l’astre était à son zénith.

Nous partons donc vers le centre, notre destination est Vang Vieng. Deux nuits à Luang Prabang et un passage au chaleureux bureau de l’immigration nous permettent de prolonger à nouveau nos visas de 15 jours. Au Laos, chaque tronçon de route effectué en transport collectif est toujours un spectacle. On s’amuse de voir le bus slalomer entre les bouses de vaches et les nombreux nids de poules, ou bien lorsque le chauffeur tente de dépoussiérer le pare brise du véhicule avec des jets d’essuie glace totalement inefficaces car mal réglés. On s’effraie lorsque l’on voit des bambins plein de malice, jeter des bouts de pain au canards sous les roues des voitures, ou lorsque l’on croise des locaux perchés sur le toit d’une camionnette chargée comme jamais, et qui menace de se renverser à chaque virage. On s’émerveille lorsque l’on croise une nuée d’écoliers en traversant un hameau, ou lorsque l’on aperçoit un villageois se laver sous une fontaine d’eau douce, crée à l’aide d’une dérivation en bambou.

Vang Vieng est la première destination touristique du pays. Cette notoriété étant due, certes aux magnifiques panoramas qu’offrent les alentours, mais surtout grâce à l’attraction phare qui fait fureur auprès des jeunes backpackers : le tubing. Une activité qui consiste à descendre une partie de la rivière Nam Song en se laissant dériver sur une chambre à air de tracteur. Lors de la descente, il est possible de se ravitailler en boisson et nourriture dans les nombreux bars situés au bord de la rivière. Mais depuis 2012 le gouvernement à fait fermer une grande partie de ces établissements en raison de l’augmentation des accidents et noyades, dus aux abus d’alcool et de substances illicites disponible sur place. Il n’y a pas d’intérêt à loger dans le centre ville car il est sans charme et bruyant lorsque chacun est revenu de son activité du jour. Mieux vaut traverser les ponts et aller trouver une chambre au calme dans la campagne toute proche. Seules des hordes de buggies, faisant route vers les pistes de terre des environs, viendront perturber de temps à autre la paisibilité du lieu.

Après Vang Vieng, plutôt que de prendre un bus de nuit pour Thakhek nous décidons de faire étape à Vientiane. Nous nous attendions à retrouver la cohue des grandes villes mais notre bilan sur la capitale du Laos est plutôt positif. Comme souvent dans le pays nous n’avons pas ressenti l’effet oppressant de la surpopulation. On peut facilement relier en une journée et à vélo les principaux centres d’intérêts, et le soir la route qui longe le Mékong devient piétonne et offre une jolie promenade dans le centre ville avec vue sur le marché de nuit. Une visite très intéressante à faire à Vientiane, hormis les temples, est la visite du COPE. Une association qui vient en aide aux personnes mutilées par les bombes lâchées par les américains lors de la guerre du Vietnam et qui continuent à faire des victimes au Laos. Le centre propose une exposition gratuite qui explique en détail cette période durant laquelle nombre de civils furent massacrés, et comment ils réunissent des fonds pour fournir aux personnes handicapées toutes sortes de prothèses. Sebastian nous en avait déjà parlé mais il est effroyable de voir au centre de la salle, cette représentation d’une Cluster Bomb, et des mini-bombes qui en résultaient. En effet, ces énormes engins s’ouvraient avant de toucher le sol pour lâcher une pluie d’explosifs (jusqu’à 680), de la taille d’une petite orange, pouvant raser une surface équivalente à 3 terrains de foot. Le Laos à été le pays le plus bombardé de toute l’histoire, une bombe toutes les 8 minutes pendant près de 10 ans et environs 30% de ces bombes (soit 80 millions) n’ont pas explosé et continuent de blesser la population. En recherchant « the secret war Laos » sur YouTube il est possible de trouver des documentaires très intéressants sur le sujet, notamment celui d’un journaliste découvrant les restes de la base secrète américaine Long Chen et ses milliers de soldats Hmongs, formés puis abandonnés par la CIA, après la défaite au Vietnam… A voir absolument.